Le comte Godefroy de Montmirail est enfin parvenu à retourner dans son époque en compagnie, croit-il, de son écuyer Jacquouille la Fripouille, et à éviter l’assassinat de son futur beau-père, le duc Fulbert de Pouille. Mais Jacquouille, ayant découvert et pris plaisir à la vie du xxe siècle, a fait en sorte d’envoyer son descendant, Jacques-Henri Jacquart, au Moyen Âge.
De son côté, Godefroy célèbre son mariage avec Frénégonde. Mais les festivités sont interrompues par l’arrivée de Fulbert de Pouille se plaignant de la disparition subite de ses bijoux. Parmi lesquelles une relique nommée « La dentelette de Sainte-Rolande ». Le voleur en question est Jacquouille. Afin de pouvoir se marier, Godefroy retourne au xxe siècle afin de retrouver la relique.
Les couloirs du temps est l’archétype même de la suite d’un film qui a mieux fonctionné que prévu au box-office. Toutes les composantes sont présentes, si bien qu’on aurait pu remplir une grille de bingo. Évidemment, nombreuses sont les comédies à s’être cassé les dents au numéro deux, et nombreux sont les films à encore tomber dans ce piège. Exemple moderne: Babysitting 2. Mais comment construit-on une suite ? Quels sont les pièges dans lesquels on va tomber ? Et pourquoi est-ce que Les couloirs du temps sont une foirade ? Voyons ça ensemble.
Pourtant, tout semblait partir du bon pied. Une suite qui prend son temps, des scénaristes qui chantent le temps long contre la prestance de l’avidité, on nous jure que tout est fait avec amour et poli jusqu’à la dernière virgule. Promis, promis, on ne fait pas ça pour la thune, sinon on aurait pas attendu autant. Et patatras, premier couac: Valérie Lemercier, qui à reçu un César pour son rôle, ne rempile pas. Premier grain de sable dans une communication qui ne s’en remettra pas vraiment. Valérie est formelle, c’est à cause de la qualité du scénario qu’elle ne revient pas. De là, vogue la galère.
Car l’archétype de la suite impose une sérieuse étude au doigt mouillé de ce qui a fait le succès du premier. Alors on demande aux spectateurs, qui ne pointeront jamais la substantifique moelle que sont le montage, la réalisation, le scénario ou encore moins la photographie, mais plutôt les personnages et les scènes les plus drôles. Du premier visiteur, nous nous souvenons tous du « jour, nuit », de Jacquouille, de Frénégonde/Dame Béatrice et du « Okayyyy ». Un peu du postier, et moins du reste. Et c’est là que la sournoiserie de l’archétype se cache. Car le producteur va vouloir se concentrer sur ces éléments pour construire la suite, afin de s’assurer de son succès (le fameux: on prend les même et on recommence), et non pas sur ce qui à fait que ces éléments sont restés cultes.
Si l’on y prend pas gare, on se retrouve donc à perdre les mises en places et le liant, pour au final se retrouver avec une succession de séquences gag, parfois sans queue ni tête. Le dernier élément fondamental de l’archétype, est de reprendre l’histoire là où elle s’était arrêtée, et c’est ce que fait religieusement Les couloirs du temps.
Maintenant que toutes les graines sont semées, il est grand temps de voir ce qu’il en a germé, et autant être franc, ce n’est pas folichon.
Commençons par l’histoire, qui, suivant directement la trame du premier, oblige nos compagnons à revenir en 1992. Ce qui implique de retrouver tous les personnages du premier, et donc Dame Béatrice, puisqu’elle a été identifiée comme élément important du premier. Seul problème, la production a dû engager une autre comédienne, Muriel Robin, pour reprendre le rôle. Elle se retrouve donc dans la pire situation pour un comédien, qui est de reprendre le rôle d’un autre, en suivant le même jeu. Muriel doit donc faire du Valérie. Forcement, ça ne peut pas marcher. Et on en parle dans les mentions spéciales. On retrouve évidemment Jacquouille, mais qui par magie a tout oublié du monde moderne et de son personnage. Il ne sait plus se servir d’un téléphone, et oublie complètement son envie d’émancipation de sa condition de serviteur. Mais c’est pas bien gave, on nous donne du Okayyyyyy à tout bout de champs, alors on lui pardonne.
Ces deux premiers gros écueils auraient pu être évités s’il y avait eu un vrai travail d’écriture. Trouver une excuse pour ne pas revoir Dame Béatrice (peut-être partie à la recherche de Godefroy, ce qui expliquerait son absence), reprendre l’arc narratif de Jacquouille et avoir une trame de poursuite ou Godefroy essaye de retrouver Jacquouille qui ne cesse de lui filer entre les pattes. Le problème avec une telle solution, c’est qu’elle va à l’encontre des préceptes de la suite. Se passer d’un personnage mémorable ou se passer de situation déjà vues n’est pas possible aux yeux de l’archétype de la suite qui garanti le retour sur investissement, alors aveuglément on balance la narration droit dans le mur, sacrifiée sur l’autel de la facilité.
De ce choix scénaristique découle une seconde problématique: le déjà vu. Vous aviez aimé le postier ? Il est de retour. Le « Jour, Nuit », il est là lui aussi, habilement transformé en « haut, bas ». Les serviteurs qui mangent par terre, c’est aussi de retour. Bref, on se retrouve avec une succession de séquences maxi best-of du premier, ce qui à défaut d’être original, aurait pu être plaisant.
Mais, il y a toujours un mais, l’écriture n’est pas au niveau. Il y a bien quelques bonnes phrases ici ou là, mais les dialogues sonnent creux, les punchlines tombent à plat, et surtout, surtout, on se retrouve avec une overdose de Jacquouille, et de Christian Clavier. Car, comme nous avions bien aimé Jacquouille, Christian Clavier le scénariste s’est dit qu’il serait intéressant de s’ajouter des rôles à Christian Clavier le comédien. Nous avons donc en bonus Clavier: le frère de Jacquouille, le purineur, mais aussi le bras droit de Napoléon, Jacquouillet. Quatre fois plus de Clavier, mais pour quel interet ? Aucun. Le purineur qui nous est présenté dans une séquence dédiée, ne sert à rien à du tout, et j’insiste, à rien du tout, dans le film. Et c’est là que nous rattrape le problème du liant. Car même si l’on suit une trame principale assez claire, faire rentrer Jacquouille et les bijoux au moyen-âge, on assiste à un montage complètement raté qui nous enchaine des séquences qui ne servent parfois à rien. La séquence de l’Intermarché ? Une minute de pur placement de produit (voir mentions spéciales ci dessous) certes, mais surtout une minute du One Man Show de Jacquouille. La séquence du mariage ? Idem. Le purineur ? Idem. On sent un gros travail de réécriture au montage, généralement synonyme de scénario médiocre ou de production chaotique. Une dernière note pour finir sur les dialogues: comment peut-on honnêtement se dire que beugler « Crunch le chocolat » à tue tête est une bonne idée ? A quel moment un scénariste comédien décide de ne plus se respecter ?
Qu’en est-il de la réalisation, qui était l’un des points fort du premier opus ? Elle a disparu. Fini les plans travaillés, les inserts méticuleux. Et elle est de plus desservie par la montage du film qui fait apparaitre des problèmes d’espaces dans les champs-contre champs (des personnages qui se téléportent), la photographie est sans relief, bref, sans tomber dans le look téléfilm, on s’y approche grandement. Seul quelques plans dédiés aux placement de produits apparaissent plus travaillés. Et en parlant placement de produits, on en reparle dans les mentions spéciales tant ils sont devenus omniprésents.
Au final, on se retrouve avec un méli-melo de redites du premier, dans un écrin fade et réchauffé, qui sans être une catastrophe, nous laisse avec un goût amer dans la bouche. J’aurai préféré un gout de chocolat Crunch, vive le chocolat.
Après un premier film gavé à ras bord de placements de produits, les Visiteurs reviennent avec encore plus de pub, et même au moyen âge ! Car puisque Jacquart est dans le passé avec la veste de Jacquouille, quelle opportunité en or que de placer quelques produits dans une séquence qui aurait pu en être exempt.
Mais le mieux, pour une marque, reste quand même une bonne plage de publicité à une heure de grande écoute. Et quoi de mieux qu’un public captif dans une salle de cinéma ? Jean-Marie Poiré s’exécute et nous propose une séquence Intermarché d’une bonne minute, qui ne sert à rien narrativement parlant, mais qui permet de placer plusieurs marques partenaires, choyées dans l’écrin du supermarché. Une sorte d’Inception du placement de produit si je puis dire.
On retrouve la même énergie dans la séquence Shell, qui, si elle a le privilège de servir l’histoire, n’en reste pas moins une pure page de pub.
Et dire que ces deux séquences proposent les plus beaux plans d’exposition du film.
Mention spéciale pour le courage de Muriel Robin, qui s’est là embarquée dans un enfer sans nom. Devoir reprendre à l’identique un personnage interprété par une autre comédienne, qui en plus à eu un César pour ça, est une tâche impossible. Elle confine au sacerdoce quand contrairement au premier film, les dialogues sont peu écrits, et le personnage ne présente aucun arc narratif. Ce qui a eu pour effet d’avoir un public qui a totalement rejeté son personnage, car il n’a pas retrouvé celui du premier. Et la faute ne revient pas à Muriel, qui dans cet « Imitation Game » s’en sort très bien, mais aux scénaristes qui ont écrit une coquille vide qui sert, si je puis dire, de passe plats.
Muriel Robin se confiera plus tard sur l’enfer de ce tournage et se demande aujourd’hui encore pourquoi elle a dit oui. Nous aussi on se le demande.
ce film est pour celleux qui aiment la culture pub. Badoum Ba !
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