Nicolas Lejeune est un producteur de musique dont la carrière et la vie de famille battent de l’aile. Sophie Demanche, qui dirige l’immense groupe dont fait partie son petit label, lui lance comme défi de remplir l’Olympia avec un nouveau projet dans six mois. Au pied du mur, Nicolas et son assistante Sabrina vont mettre sur pied un groupe de musique censé être œcuménique, composé d’un curé, d’un rabbin et d’un imam pour chanter la diversité et le vivre-ensemble. Les membres du groupe vont cependant rencontrer quelques difficultés à s’accorder.
Coexister n’est pas un film désagréable, loin de là. On passe un bon moment grâce aux dialogues qui font mouche, servis par des comédiens au top. Voilà, si vous cherchez une bonne petite comédie pour ce soir, n’en lisez pas plus, vous passerez une bonne soirée.
Mais comment ne pas aborder le principal problème du film, l’écriture, qui aurait pu le rendre incontournable. Explications.
Fabrice Éboué, signe ici son premier film solo en tant que réalisateur et unique scénariste. Pour ses deux précédents films, il était accompagné de son compère Thomas Ngijol à l’écriture et par Lionel Steketee à la réalisation. Coexister est donc un film cent pour cent Éboué, et si l’on retrouve toutes ses qualités de dialoguiste, hérité du standup où les punchlines doivent tomber, il hérite aussi du manque de construction narrative, inhérente là aussi, à l’écriture standup. Et c’est là que tout le bat blesse, car par ricochet, l’intrigue manque de répondant et les personnages d’arcs narratifs intéressants.
Commençons par la première séquence du film, qui nous introduit le personnage principal, Nicolas Lejeune (Fabrice Éboué). On nous le présente comme essayant de se racheter auprès de sa femme après un adultère. Une intrigue qui sera expédiée à la fin. Bien sur on aura le droit à une scène où « tout doit se jouer » mais elle sera d’une inconséquence totale. Et Nicolas, mis à part ses bouquets de fleur, n’essaye même pas spécialement de la récupérer. En tous cas pas sur la péloche si l’on en croit les personnages.
Dans le même genre d’idée, la grande méchante, Sophie Demanche, nous est présentée comme étant une femme forte et attachée à l’argent. C’est ce que le film veut nous vendre, mais ce n’est pas ce qu’il raconte. La première personne que Sophie pointe est remerciée et félicitée. Pas nécessairement le meilleur moyen de montrer sa dureté. Ensuite elle pointe un autre personnage qui présente des chiffres mauvais. Elle n’a même pas besoin de se mettre en colère ou d’utiliser son pouvoir, le personnage bégaye et n’arrive pas à articuler. Elle lui demande de sortir, mais l’effet reste le même: il n’est pas viré parce qu’elle est méchante, mais parce qu’il n’arrive pas à se justifier. Les deux premiers ressorts scénaristique pour la présenter comme un danger sont donc mal utilisés et quand arrive la confrontation initiale avec Nicolas, elle ne fait que reprendre le défi qu’il vient de se mettre à lui même. Et comme pour l’intrigue de la femme trompée, c’est presque la dernière fois que l’on voit Sophie.
Elle reviendra une fois mettre la pression, encore une piste qui ne sera pas exploitée, je reviens dessus dans un moment, une fois essayer de s’approprier le travail, et à la fin pour remercier Nicolas. A aucun moment elle ne viendra lui mettre des bâtons dans les roues, même pas quand la première idée de Nicolas, faire chanter une reprise de Savoir Aimer, se plante lamentablement, juste après qu’elle l’ai menacée de le remplacer. C’est une belle occasion manquée, qui aurait ajouté un véritable obstacle, et une trame scénaristique plus intense.
Et c’est le problème durant tout le film. Aucun des choix, bons ou mauvais, de Nicolas, de Sophie ou de n’importe qui, n’a de conséquence sur la poursuite du projet. Il doit remplir l’Olympia en 6 mois, cette deadline est répétée deux fois en une minute, mais cette pression temporelle disparaît le moment même ou elle est donnée. L’Imam n’est pas un vrai Imam, ça aussi c’est inconséquent. Et c’est là que le problème devient rageant.
Car l’intrigue du faux Imam aurait pu donner un vrai arc dramatique pour le personnage. Alors qu’aujourd’hui en France, n’importe quel candidat.e noir.e ou arabe a un télé crochet voit l’extrême droite fouiller dans leur vie pour prouver qu’ils ne sont pas de bons français, dans le film le mensonge n’a aucune conséquence sur la vie publique du groupe. Et même quand la supercherie est révélée en interne, elle n’a aucun, absolument aucun impacte sur le groupe lui même.
On aurait aimé tellement plus de la part de Fabrice, qui nous a habitué à tellement mieux.
Il est évident que Fabrice Éboué ne peut pas aller aussi loin sur ces sujets en film qu’il ne les traite en standup, mais son premier film Case Départ va beaucoup plus loin sans pour autant sacrifier son côté grand public. Case Départ exploite aussi beaucoup mieux son matériau de base. Coexister manque de cette étincelle, de cette profondeur, de ce grain de folie.
Au final Coexister nous lègue un goût d’inachevé, d’autant plus rageant que les pistes qu’il aurait pu explorer laissent entrevoir un film bien meilleur. Il présente les mêmes lacunes d’écriture que son confrère sorti à quelques mois d’intervalle, Christ(Off), qui lui est par contre beaucoup plus raté.
Ce qui est généralement bien dans une comédie qui se moque des productions musicales, c’est qu’on a toujours le droit à de fausses chansons et/ou faux clips qui reprennent les codes du genre pour bien les détourner et nous faire rire. Fatal en regorge, et c’est drôle.
Ce qui est généralement dommage par contre, c’est quand cette parodie se limite à un ou deux morceaux en début de film, puis qu’elle laisse tomber pour re-rentrer dans le rang, comme dans Coexister.
On a bien le droit au clip de Pink Kalash et aux Deux Boules, mais une fois ces deux fausses chansons très drôles, il ne se passe plus rien. Le chanteur français dépressif est juste dépressif. Puis on passe à la reprise de Savoir Aimer par le groupe Coexister, qui n’est que ça: une reprise. Et enfin le morceau original du groupe est un objet musical tout ce qu’il y a de plus banal. Les paroles ne sont pas particulièrement percutantes, la musique est bien produite sans plus, bref un vrai produit commercial comme on en trouve à longueur de journée sur une radio type RTL. Le rendu musical est donc bien fade, loin de la folie d’un Fatal, qui fait des propositions musicales même en dehors des moments musicaux.
Et c’est bien triste que Coexister n’ai pas suivi la voie, car il y avait là une opportunité à apporter de l’humour au travers des chansons… Dans un film qui parle justement de musique.
Bon je me suis attardé sur les problèmes de Coexister, mais sa grande force, en plus des dialogue, est l’excellence du casting (à l’exception de Mathilde Seigner). Ils sont tous formidables et généreux dans leur jeu, et la direction de comédien est parfaitement maitrisée.
Mais c’est surtout la nuance dans le jeu de Ramzy qui m’a marqué. C’est la première fois que je le vois aussi bien dirigé, et aussi bien jouer. Une preuve qu’il peut jouer autre chose que le gogol quand on lui laisse la chance de le faire.
ce film est pour celleux qui aiment l'eau tiède.
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