Agathe Cléry est la directrice de marketing d’une ligne de cosmétiques spéciale peaux claires. Atteinte de la maladie d’Addison, dysfonctionnement des glandes surrénales qui fonce la peau, elle, qui est raciste, se retrouve dans la peau d’une noire.
Faire un film sur le racisme en reléguant tous les personnages racisés au second plan, fallait oser.
Mais avant d’entrer dans les sujets qui fâchent, commençons par reléguer, nous aussi, au second plan la forme du film. Car il n’y a pas grand chose à dire, tant Agathe Cléry s’ancre dans la tradition télévisuelle fadasse de la comédie française du dimanche soir. Images plates, réalisation molle, scénario faiblard. Le truc le plus fort du film ? Son concept.
En résumé, l’execution laisse à désirer. À commencer par l’intrigue principale, le changement de couleur. Si l’on part du principe qu’Agathe devient noire car elle est raciste, on pourrait se dire que pour redevenir blanche, il faudrait qu’elle ne le soit plus. Le soucis ici, c’est que tout à l’air d’arriver au hasard. Il n’y a pas d’incident déclancheur qui la fait changer de couleur. Ça arrive juste comme ça. Pareil, c’est une fois en couple depuis un certain temps avec son patron qu’elle redevient blanche, sans véritable déclancheur. Alors certes, ça arrive après qu’elle ai essayé de proposer des candidats blancs à son patron et amant, mais si c’était effectivement ça le déclancheur de la guérison, le film nous montre plus ça comme étant un obstacle pour Quentin que pour Agathe. Et le message serait « il faut accepter les blancs pour ne pas être raciste », ce qui pose question sur le propos du film.
Le film tente de se distinguer des autres productions insipides françaises par son penchant pour la comédie musicale. Je dis penchant parce que même s’il se défini comme une comédie musicale, la pauvreté des séquences chantées fait qu’il m’est difficile de le définir ainsi. Non seulement elles ne sont pas bien mises en images, elles tombent aussi un peu comme un cheveu sur la soupe. Notons tout de même un effort sur les chorégraphies. Mais si vous vous attendiez à quelque chose de plus intéressant qu’une pub MAAF, c’est raté.
À croire qu’il en faille un peu plus que simplement faire chanter des dialogues pour créer une comédie musicale.
La comédie française compte beaucoup de films sur le racisme réalisés par des équipes non concernées. Agathe Cléry en est un. Est ça se ressent tout au long du film, où le message du film, pourtant simple, le racisme c’est mal, se transforme en le racisme anti-blanc c’est mal. Et c’est un vrai problème. Un problème qui n’existe justement que parce qu’il y a aucun auteur noir au scénario. Alors forcement, même avec toute la bonne volonté du monde, un scénariste va mettre de sa personne dans ce qu’il écrit. Et là, on sent toute l’inquiétude des auteurs, autour d’un éventuel retour de bâton du racisme, sous la forme d’un racisme anti-blanc, ici représenté par l’entreprise qui recrute Agathe.
Rappelons au passage que le racisme anti-blanc n’est qu’une constrution mentale de cette peur du retour de bâton. En effet la notion de racisme présuppose un rapport de domination, comme la conquête de nouveaux territoirs par un peuple pour y imposer sa sagesse et son savoir aux populations autochtone. Et c’est un sujet que l’on retrouve aussi dans d’autres comédies françaises réalisées par des non-racisés, comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu.
Le point culminant de cette peur, ici, est la phrase d’Agathe envers son « amie » noire: Je trouve ça proprement scandaleux que dans la patrie des droits de l’homme on fasse de la discrimination envers les blancs. Cette phrase ne choque pas du tout son amie, qui pourtant nous avait été présentée comme vindicative envers le racisme. On passe donc d’un commentaire d’un personnage raciste, à un propos adoubé par le film, puisqu’il n’est à aucun moment remis en question. La bonne réplique autrait éte Je trouve ça proprement scandaleux que dans la patrie des droits de l’homme on fasse de la discrimination. Agathe prouve aussi qu’elle reste donc toujours foncièrement raciste.
À l’époque de la sortie d’Agathe Cléry, le rapport au blackface n’était pas celui d’aujourd’hui, et c’est toujours un peu compliqué d’appliquer les valeurs d’aujourd’hui à une œuvre d’hier. Je dois avouer que sur les deux tiers du film, la blackface de Valérie Lemercier ne m’a pas franchement gêné. Et je précise qu’évidement, n’étant pas concerné, j’ai une plus grande facilité à l’accepter. Cependant, au moment de la rencontre entre Quentin et Agathe, j’ai vraiment ressenti un malaise.
Combien de fois avons nous vu, dans une comédie française, un couple noir au lit, en gros plan, s’embrassant ? Combien de fois avons nous eu une séquence complète autour d’un baisé public ? Je n’ai aucun autre film qui me vienne immédiatement à l’esprit. Même dans l’excellent Case Départ et sa scène de sexe, je n’ai pas le souvenir d’en avoir vu autant.
C’est là que le film de Chatiliez nous offre ces scènes, si rares, si nécessaires, que l’on aimerait voir banalisées… Mais avec une actrice en blackface. Quel dommage. Quel gâchi. Il aurait tellement été plus intéressant d’avoir deux comédiennes (l’une pour la Agathe blanche, l’autre pour l’Agathe noir) interpreter le même role.
Le film aurait été plus fort. Mais bon.
Petite mention pour la tentative de dénonciation de la misogynie des grandes entreprises, ici représentée par la puissante société de cosmétiques dont Agathe est directrice marketing. Jean-Rochefort interprète brillamment ce père de famille, grand patron, qui a donné à ses fils des postes de direction, et qui pense mieux connaître les femmes que les femmes elle même.
Malheureusement, comme le reste de film, si l’idée est intéressante, elle n’est pas vraiment exploitée. Chatiliez arrive même à nous faire croire que la justice s’occupera de leur cas pour le licenciement raciste d’Agathe, alors que l’on sait très bien que dans la vraie vie, ça ne se passe pas du tout comme ça.
Encore une vision d’épinale de la justice, écrite et mis en scène par une personne qui n’y a jamais été confronté, et dont l’écriture simpliste met en lumière son total décalage entre fiction et réalité. Il y avait milles façons de mieux exploité cet angle, tout en restant dans le registre de la comédie (par exemple en ayant la maladie se déplacer d’Agathe vers le patron raciste).
Mais la fainéantise a triomphé, comme souvent dans la comédie française.
ce film est pour celleux qui sont concernés par le racisme et qui souhaitent se faire expliquer la vie par un non concerné.
un site de Jean-marie foiré
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