Régis Deloux, un professeur de mathématiques de Montreuil, a subitement le pouvoir de voyager dans les films après s’être fait piquer par une broche. Ce qui lui permet de rencontrer la femme dont il rêve. De film en film (Pour une poignée de dollars, Tarzan, Robin des Bois, Orange mécanique…), il doit sauver Viviane que l’ignoble Douglas Craps a enlevée.
Commençons par un petit point qui a son importance : Comme je le disais ici, j’ai généralement plus d’amour pour un film raté qui tente quelque chose, qu’un film médiocre qui se complait dans la facilité. Il faut aussi que j’avoue un lourd secret: j’ai un faible pour Franck Dubosc. Il pourrait devenir le Will Ferrell français, mais malheureusement pour l’instant, ce n’est pas le cas.
J’aime aussi beaucoup le cinéma, et les films qui parlent de cinéma. C’est peu dire que j’étais dans de très bonnes dispositions pour découvrir Cinéman, malgré les critiques catastrophiques.
Et pourtant, même en y mettant le meilleur de moi-même, il m’est impossible de sauver quoi que ce soit de ce film. C’est un accident industriel comme on en a rarement vu au cinéma.
Petite précision avant de commencer: je ne parlerai pas de l’interprétation de Franck Dubosc, qui a sa section dédiée dans les mentions spéciales ci-dessous.
Après le four monumental du film, Yann Moix, le réalisateur, sommé de s’expliquer, nous dit qu’il y aurait matière à faire un making-of bien plus palpitant que Lost in la Mancha, le célèbre documentaire sur le naufrage du Don Quichotte de Terry Gilliam. Je pense que Yann Moix bluffe. Je pense qu’il cherchait juste à sauver un peu sa peau, en mode c’est la faute à pas de chance. Je pense qu’il bluffe car si Pathé avait pu trouver un moyen d’éponger la dette du film en sortant le making-of au cinéma (ou en DVD), ils l’auraient fait. Car si nous avons le résultat final entre les mains, je pense que nous sommes tous curieux de savoir comment on a pu en arriver là. Et que l’envers du décors ferait une bien meilleure histoire que celle du film.
La lecture des différents liens en bas d’article vous donnera une bonne idée des drames qui se sont joués en coulisse. D’ailleurs, on retrouve les mêmes symptômes que dans Astérix aux Jeux Olympiques. Et quand bien même je reste persuadé qu’Astérix 3 est le pire film français, que l’on ne s’y trompe pas, Cinéman est pire. Bien pire. Par où commencer ?
Par le scénario, par exemple, qui n’a ni queue, ni tête, ni rien. On a donc le personnage de Régis, prof de math, qui a du mal avec les femmes. Il trouve dans un vieux livre un médaillon qui, en gros, va lui permettre de voyager dans les films pour sauvez l’actrice qui joue Sisi l’impératrice. Le fonctionnement du médaillon est un peu aléatoire et mal expliqué par Pierre Richard qui joue le rôle de Pierre Richard, et qui connait tout des méandres cinématographiques. Il s’y connait tellement qu’il peut même contrôler Régis dans ce qui est censé être le monde réel. Mais, comme tout cela est quand même bien alambiqué, on nous simplifie le tout en un concept bien simple: Régis va voyager dans les films pour pécho de la meuf. Oui, oui, c’est dit tel quel dans le film.
Bon évidemment, si c’est aussi pauvre et décousu dès le début, c’est que film était tellement catastrophique qu’il a entièrement été réécrit au montage. Et c’est pourquoi les voix ne suivent pas les mouvements des lèvres. Les comédiens sont venu réenregistrer les dialogues en post-synchro. Ce qui veut dire, que ces dialogues, pourtant catastrophiques, sont leur meilleure version possible. Je vous laisse imaginer l’état du film avant réécriture. Ce qui est dingue, c’est que malgré ça, le montage du film est à la ramasse. On parle de 18 mois de montage tout de même. Les séquences s’enchaînent sans véritable cohérence, le rythme est neurasthénique, les faux raccords légions.
Mais quid de la réalisation ? En voyageant dans les films, n’y a-t-il point là un terreau fertile à exploiter ? Il y a. Mais si un effort des équipes techniques est palpable, tout est ruiné par une mise en scène incompréhensible. Visuellement, tout se ressemble. Il est presque impossible de faire une distinction entre Régis dans un film et Régis dans la vraie vie. Les effets de manchettes sont légions, comme les effets sonores ridicules, posés là pour combler le vide scénaristique. Dans le vrai monde, Régis se retrouve en noir et blanc, sous-titré, freezé. Quelles différences avec la vie de Régis dans les films ? Aucune. Pourquoi ? Aucune idée. Il y a bien quelques plans intéressants, mais pour chaque plan qui tient la route, combien de séquences qui font n’importe quoi ? Une séquence entière de Tarzan qui fait de la liane à l’envers. Pourquoi ? Pourquoi une salle de classe intégralement orange dans le lycée où enseigne Régis ? Pourquoi le bureau du directeur passe du tout bleu au tout vert ? Qu’est-ce que ça raconte ? Rien. La vie de Régis est-elle finalement aussi dans un film ? Aucune idée. Le film ne raconte rien. Rien. Rien du tout. Enfin si, le film raconte le regard que pose son réalisateur sur les femmes: des femmes objets qui doivent être séduites sans leur consentement et surtout ne pas soulever le moindre questionnement. Voilà, le film raconte ça: les femmes sont des objets, qui doivent être soumises et fermer leur gueule.
Et les comédiens dans tout ça ? Et bien les comédiens, ils sont perdus. Ils sont doublés par eux même, avec des intentions souvent différentes du jeu initial. Ils parlent mais leurs lèvres ne bougent pas. Le film est moins bien doublé qu’un film étranger mal doublé. Comment est-ce possible ? Pierre-François Martin Laval hérite du rôle du méchant, et a un jeu corporel qui aurait pu fonctionner, s’il n’était outrancier et desservi par les pires dialogues du films. Les pires.
Que reste-il au final ? Un beau ramassis de péloche sacrifiée pour un méli-mélo de références cinématographiques aléatoires, un scénario au delà du catastrophique et des comédiens en roue libre. Y avait-il un pilote dans l’avion ? Tout laisse à penser que non.
Il serait facile de mettre la tragédie qu’est ce film sur le dos de sa tête d’affiche, Franck Dubosc. Après tout, c’est bien sa tête que l’on voit dans presque tous les plans.
Mais rembobinons l’histoire un tout petit peu, car Franck n’était pas le premier choix de Moix. En fait, c’était même le dernier choix du réalisateur, celui qu’il devait prendre pour s’assurer les financements du films après le départ de Benoît Poelvoorde. Un comédien dont le réalisateur ne voulait pas, casté juste avant le début de tournage, et dont les autres comédiens ne voulaient pas non plus, ce qui imposa de recaster le grand méchant.
On se retrouve dans la situation où, avant même le premier tour de manivelle, le comédien principal est rejeté par des partenaires de jeu, par une partie de l’équipe technique, et par le réalisateur qui ne prendra même pas la peine de réécrire le personnage pour l’adapter à son nouveau héro.
Pour un comédien, ce n’est pas chose aisée que de devoir jouer un rôle prévu pour un autre, Muriel Robin pourra vous parler de son expérience sur les Visiteurs 2.
Le pire, c’est qu’au lieu d’essayer de corriger le tir pendant le tournage, Moix donne l’impression de ne pas avoir pris la peine de diriger ses comédiens.
On se retrouve donc avec un Franck Dubosc qui va jouer Franck Dubosc qui joue ses sketchs. Un surjeu total, où le moindre mouvement de muscle sur son visage est appuyé à outrance, où ses tics de gag rejaillissent tout le temps, comme la doublette en anglais pour ponctuer ses phrases.
Dubosc joue donc exactement de la même façon quel que soit le film dans lequel il se trouve, alors qu’il avait une opportunité en or pour montrer différentes facettes de son jeu. Aspect qui a été renforcé par la réécriture du film en post production, où, au lieu d’essayer de corriger ce problème, Moix va appuyer les mimiques avec de nouveaux dialogues qui vont intensifier ce surjeu. Il va même aller jusqu’à Dubosciser les dialogues des autres comédiens pour niveler par le bas un matériau de base déjà mauvais.
Ce qui veut quand même dire que pour améliorer son film, Moix a décidé d’intensifier l’un des plus gros problème du film, le jeu de Dubosc.
Mais ce qui rend le jeu de Dubosc encore plus insupportable c’est son personnage, dont l’arc narratif est le suivant: Régis, prof de math, est un gros connard avec les gens, et un gros lourdaud avec les femmes. Il va passer de film en film pour à la fin, devenir Cinéman, une méga star qui est lourdaud avec les femmes, et se comporte en connard avec les gens.
Vous avez bien lu, le personnage de Franck est détestable à souhait, et il nous est présenté d’une telle façon qu’il n’y a pas de rédemption possible. Même le personnage de Pef, pourtant le grand méchant, nous parait au final plus sympathique. Yann Moix détestait tellement son comédien, qu’en réécrivant le film il a appuyé sur le côté détestable de son personnage.
Voilà comment on arrive à ce genre de ratage complet. Un comédien pas maitrisé, mais méprisé. Jouant un personnage imbuvable, réécrit en post prod pour en appuyer tous les défauts de jeu.
Pour finir, la version Dubosc du « Are you talking to me? » est moins bonne que celle de Lagaf’ dans Le Baltringue. Tout est dit.
À film exceptionnel, double dose de mentions spéciales exceptionnelles !
Il me semblait important de revenir sur Yann Moix, qui a porté ce film de bout en bout, jusqu’à le renier quelques années plus tard. Le monsieur est depuis devenu un personnage public bien connu, et l’on retrouve dans Cinéman tous les travers que Moix laisse entrevoir lorsqu’il s’exprime: une prétention impitoyable, une vision de la femme plutôt passéiste, et un manque de culture cinématographique flagrante.
Car si je ne doute aucunement que Moix ai vu une tonne de film, il semble tous les mettre au même niveau. De « la fête du slip » dans le passage Sergio Léone, à la référence à Camping dans Barry Lyndon, il n’y a aucune marque de respect au cinéma dans ce film.
Et pour éviter tout malentendu, on a évidemment le droit de passer un bon moment devant Camping, et ne pas aimer Barry Lyndon. Mais d’un point de vue purement technique, que ce soit l’écriture, la réalisation, le montage, la musique, etc… le film de Kubrik démontre une technique cinématographique bien supérieur à l’œuvre de Fabien Onteniente. Et c’est là que la vision du cinéma de Moix pose problème, car en écoutant ses différentes interviews pour promouvoir le film, ou juste en regardant le film lui même, on se rend compte que comme Michael Bay, tout ce que Moix retient ce sont les images « marquantes », les plans « cools » du cinéma, et pas leur signification.
D’ailleurs, il est intéressant de constater que, pour Moix, les bas fonds du cinéma ce ne sont pas les nanards, mais des films comme taxi Driver et Orange mécanique. « Je suis princesse à Vienne et me voilà en train de faire la pute dans un Scorcese. Vous êtes content de vous ? » Preuve une fois de plus d’un manque de culture cinéphile. Et on pourrait tout à fait imaginer un film ou le réalisateur démonte des films qui ne lui ont pas plus, et porter un propos sur le cinéma en tant que genre, mais ce n’est pas le cas ici. Il n’y a aucun propos, juste des excuses pour faire des images frappantes (et reconnaissable par tous) servies par des dialogues indigents.
Il y a quelques références pointues cachées ici ou là, mais heureusement, il y a toujours une blague pipi-caca le plan d’après pour nous remettre dans le droit chemin du film.
D’un film rendant hommage au cinéma, Yann Moix à réussi le tour de force de nous livrer une comédie pipi-caca ratée. Il paraît même qu’à l’origine, Cinéman n’était pas une comédie. Même ça, c’est raté.
ce film est pour celleux qui ont la chance d'avoir déjà chié.
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