Uderzo et des bas

Le plus mauvais auteur d’Astérix, c’est Uderzo. Ce film, Uderzo il l’a aimé. J’aurai pu m’arrêter là.

Et pourtant, il y a tant à dire (et à lire) sur cet accident industriel français. Je me rappelle d’une interview de Thomas Langmann peu avant la sortie du film. Surement conscient de l’étron qui pointe le bout de son nez, il anticipe des entrées inférieures à Mission Cléopâtre, car, selon lui, le piratage ne permet plus de faire d’aussi hauts scores. Bien entendu, il sera contredit quelques semaines plus tard, quand le petit film Bienvenue chez les Ch’tis explosera Astérix avec ses 20 millions d’entrées. Note rigolote, l’un des producteurs des Ch’tis blâmera lui aussi le piratage pour se plaindre du fait que son film n’ai pas battu Titanic, à 300.000 entrées près, le record du box-office français. Décidement, il a bon dos ce piratage.

Magimix

Mais je m’égare un petit peu. Astérix aux Jeux Olympiques est un naufrage dans tous les sens du terme. Artistiquement parlant déjà, malgré des décors monumentaux, des effets numériques nombreux, aucune émotion ne ressort de la pellicule. Les cadres sont quelconques, la réalisation est moribonde, le montage complètement raté, la musique parfaitement oubliable. Il y a bien une course de chars, hommage à Ben Hur surement, mais cette séquence est tellement mal mise en valeur qu’elle ne laisse au final aucun véritable souvenir. Ah si, c’est probablement la dernière fois que l’on verra Michael Schumacher en si bonne santé.

Souviens-toi l’été dernier

En fait, le test est vite fait. Demandez autour de vous de quoi les gens se souviennent quand vous mentionnez le film. Et invariablement, ils vous répondront la séquence de fin avec Jamel et Zidane. Cette séquence montée comme une apothéose, n’est qu’une suite sans saveur de clins d’œil et caméos des stars françaises de l’époque. Comme un aveu de la part de l’omniprésent Thomas quant à l’intellect et la mémoire de son public, Obélix répètera au moins 4 fois le nom de Numéro Bis, héro de l’épisode précédent de la saga aux 14 Millions d’entrées. Et on touche là au second problème de ce film.

Pour toi public

Ce film nous prend pour des cons. Il n’y a pas d’autre mot. J’aurai pu dire qu’il insultait notre intelligence, mais ça revient tout au même. Dans une comédie, le rire vient du décalage. Le décalage entre la gravité et l’absurdité de la situation par exemple. Ce qui est compliqué, et c’est pour cela qu’il est si difficile d’écrire une bonne comédie, c’est de jauger ce décalage, car il faut que le public le comprenne. La compréhension va venir de plusieurs facteurs. Par exemple culturel, les comédies françaises se reposent beaucoup sur la lutte des classes, avec le méchant parisien bobo contre le gentil plouc de province. C’est un ressort comique qui fonctionne car cette lutte des classes est ancrée dans notre socle culturel commun. Parfois, l’humour est plus référencé. Par exemple, cette séquence de fin fonctionne si l’on connaît Zinedine Zidane, Amélie Mauresmo, Tony Parker, etc… Ce sont des athlètes français très connus donc la prise de risque est minimale. Mais parfois, la référence sera plus cachée, ou plus pointue, faisant référence à une œuvre ou un artiste moins connu du grand public. Dans ce cas là, le job du scénariste et du réalisateur est de doter la blague de plusieurs niveaux de lecture. Un premier niveau que tout le monde peut comprendre, puis un second en guise de clin d’œil à ceux qui connaissent la référence, et ainsi de suite. Ça c’est pour le principe de base. Le problème dans ce film, c’est qu’il va faire durer tous les gags, voir même les expliquer, alors qu’ils font tous appel à des ressorts universellement connus (le sabre de Star Wars par exemple).

Prenons par exemple un des premiers gags du film, Alafolix qui tombe dans l’eau après qu’un homme à cheval le frôle de près. Quelqu’un qui se casse la figure, ça fait toujours rire. Mais pas là. Pourquoi ? Premièrement, Alafolix met beaucoup trop de temps a tomber, du coup, au lieu d’être surpris par la chute, on s’y attend, ce qui désamorce le ressort comique de la chute. Ensuite, il n’y a aucun enjeu dans cette chute. Elle ne met pas en retard le personnage, qui de toute façon n’a pas spécialement l’air pressé. Elle aurait pu salir le joli costume d’Alafolix, mais à aucun moment on nous le présente comme précieux ou comme ayant un besoin vital de prendre soin de sa tenue. De tous les ressorts comiques possibles, que ce soit le tempo de la chute, ou le décalage, aucun n’est utilisé. Dommage. On voit donc juste un gars qui tombe. Sans se faire mal, sans en pâtir, sans que ça ai un quelconque intérêt pour l’intrigue ou la séquence. On ne rigole pas. Et tous les gags sont construits de cette façon dans le film. Quand Brutus chante Besoin de rien envie de toi, on reconnaît immédiatement la chanson, mais, pour une raison que j’ignore, le réalisateur se sent le besoin de laisser Brutus déclamer bien plus longtemps les paroles pour bien marquer la référence et être sur qu’on ne la loupe pas. A vouloir trop en faire, il en vient à insulter notre intelligence. Enfin, il y a dans se film un total abandon de toute velléité de fournir une écriture qui se rapprocherait du niveau d’un Gosciny. Rien que les noms par exemple. Peut-on faire plus fainéant que Francix Lalannix ? Serieusement, peut-on faire encore moins inspiré ? Oui, Michael Jordanus.

Tout cela mis bout à bout, l’indigence de l’écriture, le faste des décors et du casting, Alain Delon, confère au film un air prétentieux, qui se veut tellement au dessus de tout, qu’il se sent obligé de nous prendre par la main, de peur qu’on ne loupe ne serait-ce qu’une seule miette de son génie.